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reconnaissait ; les autres eussent voulu ne pas le reconnaître et en frémissaient.

Cependant la comédie poursuivait et redoublait ses coups. L’acteur élevait une voix sévère, et cet acteur n’était rien moins que Fleury ; il disait :

Si je sers mon pays, si j’observe ses lois,
C’est, à son tour, l’État qui garantit mes droits.

C’était une maxime bien téméraire pour ce temps-là. Il ajoutait :

Mon respect pour la cour a souvent éclaté
Et nul l’est plus soumis à son autorité ;
Mais que peut-elle faire à l’hymen de ma fille ?
Je suis sujet du prince et roi dans ma famille.

César se leva. L’arrêt était porté.

Paris avait été libre pour un soir et maître pour deux heures, c’était assez. Sa licence était trop grande.

Du même coup les presses furent brisées, la comédie fut interdite, l’auteur menacé de perdre tous ses emplois ; du même coup aussi, et nous devons en gémir, fut étouffée dans l’âme de l’écrivain sa poésie encore jeune, au moment où elle allait atteindre l’âge et la stature d’une muse formée.

Grâce à la fortune de la France, les temps