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élevé en entendait déjà, et avant tous, les sourds craquements. – Comme à l’empereur Julien, le Génie de l’empire lui apparaissait attristé et tenant son flambeau renversé. Pourtant sa cour était brillante encore, et il avait rassemblé, ce soir-là, quelques restes de ce parterre de rois qu’il avait fourni souvent à ses grands acteurs. – Devant ce public splendide et triste, superbe et muet, on n’avait point d’enthousiasme à craindre. Tout ce qui froisserait le maître blesserait la cour, tout ce qui le blesserait la ferait saigner.

Dans l’angle de cette loge oblique, où l’on se souvient encore de l’avoir vu se jeter brusquement, la main sur ce grand cœur qu’il commençait peut-être à déchirer, l’empereur se demandait comment son étoile pâlissante était déjà si près de son déclin, que l’un de ceux qu’il avait créés eût osé s’indigner de quelque chose, nourrir de cette indignation ses réflexions secrètes, s’abreuver de ce besoin tout nouveau de justice, et risquer, pour répandre quelques vers sortis du fond du cœur, la perte de l’une de ces amitiés impérieuses qui jadis donnaient la mort aux poètes en se retirant.

Le public impérial est attentif et silencieux. Chacun souffre à son rang. On commence, et le souverain observateur, pareil à un sombre et inquiet chimiste, portant les yeux tour à