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faible cœur comme sur une enclume les hommes frappent sans pitié ; l’ambitieux et l’avare sont d’un côté ; de l’autre, le père et son vengeur ; elles implorent, elles apaisent, elles supplient en vain ; on leur défend de pleurer et d’avoir les yeux rouges. Elles ont la piété filiale qui manque aux gendres, elles ont les remords qu’ils devraient avoir ; elles bravent l’opinion qui fait frémir ces deux pâles hommes ; elles détestent cet héritage reçu avant la mort, et n’osent pas le maudire tout haut ; puis enfin, lorsqu’il est arraché aux gendres, toutes deux arrivent au bout de ce rude combat blessées jusqu’au fond de l’âme, et si profondément, qu’il leur reste à peine la force de sourire à leur bonheur futur.

Voilà de ces caractères vrais et surpris dans la nature, que ne devinent point ceux qui n’ont pas vécu, c’est-à-dire, souffert. Voilà ce qui n’était pas même indiqué dans cette esquisse de collége qu’on opposa à M. Étienne. On prétendit tout à coup se souvenir de tout ce qui ressemblait à ce grand ouvrage. On le découvrit partout ; dans les dialogues et les fabliaux du seizième siècle, dans les Fils ingrats de Piron et le Roi Lear de Shakspeare on suivit sa trace. Eh ! Messieurs, il y avait encore dans les annales de l’ingratitude filiale un plus grand auteur à citer ; c’est l’auteur du monde