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C’étaient des temps où le plaisir était une affaire sérieuse ; et celui de raconter et d’écouter n’était pas peu de chose apparemment pour les personnages enchanteurs et enchantés du Décaméron, puisqu’ils en oubliaient la peste de Florence. – Je ne chercherai donc point à découvrir la moralité d’une certaine nouvelle qu’on aimait par-dessus toutes et qui venait de l’Arioste en droite ligne, que chacun redisait d’âge en âge à sa manière ; une histoire qui, sous le règne de Louis XIV, fut presque élevée à la dignité de cause célèbre, dont les avocats furent M. Boileau Despréaux d’un côté, et, de l’autre, M. l’abbé le Vayer, et les parties, M. de la Fontaine et M. Bouillon, traducteurs rivaux de la Joconde, comme on appelait alors cette nouvelle.

La difficulté du récit séduisit une fois encore quelqu’un de notre temps.

Écrire cette aventure était bien moins périlleux que la mettre en scène. Ce que le malin fabuliste avait dit avec une clarté et une franchise tout à fait dignes de Rabelais, il fallait le traduire seulement en situations semblables, substituer une épreuve à des trahisons, un soupçon à des certitudes, faire de la musique une complice, et de ses accords des symboles ; il y allait enfin plus d’art que jamais.