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de pressentir les jugements de l’avenir et d’exprimer ses propres sympathies.

Ce droit, Messieurs, j’en userai en vous faisant relire les pages de cette vie heureuse si brusquement éteinte, à laquelle ne manqua aucune élégance ni aucun succès. J’examinerai jusqu’à quel degré celui que vous avez perdu participa des deux natures que j’ai cherché à définir. Je dirai celle qui me paraît avoir été la plus réelle en lui, et je marquerai du doigt la trace de la génération littéraire à laquelle il appartint, et l’empreinte vivante de la génération qui l’a suivie.

n considérant d’un premier regard l’ensemble de cette existence riante et que rien n’assombrit dans son cours, ni la gêne étourdie du premier âge, ni même la lutte politique de l’âge mûr, on sent qu’un discours sur ce sujet ne peut pas être une oraison par trop funèbre.

Le siècle s’ouvre, et dès son premier jour un jeune homme apparaît dans les lettres. – Il a vingt-deux ans. Heureusement doué en toutes choses, d’un aspect aimable et imposant à la fois, son visage est régulièrement beau, sa taille élevée, sa tête portée haut, son sourire fin et gracieux, ses manières polies et reposées. Son caractère répond à ses formes. Il est indulgent dans ses jugements sur les hommes, facile à se lier, mais réservé dans ses démarches ;