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la direction des affaires, mais celle de l’intelligence publique. Il tient moins à la perfection et à la durée de son œuvre qu’à son action immédiate. Son esprit est agile et primesautier, son émotion plus ardente que profonde, sa volonté énergique, ses vues soudaines et praticables. La presse et la tribune sont ses forces. Par l’une, il prépare son pays à ce qu’il lui doit faire entendre par l’autre. Une forme unique ne saurait lui suffire. Il faut que les masses l’écoutent et y prennent plaisir, que, par ses écrits courts et réitérés, il amène à lui leurs intérêts légitimes et leurs passions généreuses avant que sa dialectique les enchaîne. Forcé de plaider chaque jour, et de gagner la cause de son idée ou de son autorité, par-devant la nation, pour obtenir d’elle les armes nécessaires au combat du lendemain, il faut que sa science ait des anneaux innombrables pour lier dans ses détours tant d’intelligences diverses. – Dans tout ce qui se discute de grandiose ou de minime sur les besoins et la vie d’un peuple, il faut que chacune de ses notions soit précise, et prête à sortir de sa bouche claire et brillante comme les pierreries qui pleuvaient des lèvres de la fée. – Il sait d’avance que sa gloire sera proportionnée au souvenir que laisseront les événements qu’il a suscités ou accomplis ; les choses du moment qu’il a discutées. S’il règne