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CHANT I.


Or, pendant ces temps-là, ses amis en Judée
Voyaient venir leur fin qu’il avait retardée ;
Lazare qu’il aimait et ne visitait plus
Vint à mourir, ses jours étant tous révolus.
Mais l’amitié de Dieu n’est-elle pas la vie ?
Il partit dans la nuit ; sa marche était suivie
Par les deux jeunes sœurs du malade expiré,
Chez qui dans ses périls il s’était retiré.
C’était Marthe et Marie ; or, Marie était celle
Qui versa les parfums et fit blâmer son zèle.
Tous s’affligeaient ; Jésus disait en vain : Il dort.
Et lui-même en voyant le linceul et le mort,
Il pleura. Larme sainte à l’amitié donnée,
Oh ! vous ne fûtes point aux vents abandonnée !
Des Séraphins penchés l’urne de diamant,
Invisible aux mortels vous reçut mollement,
Et comme une merveille, au Ciel même étonnante,
Aux pieds de l’Éternel, vous porta rayonnante.