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CHANT I.

« Mais on dit qu’à présent il est sans diadème,
« Qu’il gémit, qu’il est seul, que personne ne l’aime,
« Que la noirceur d’un crime appesantit ses yeux,
« Qu’il ne sait plus parler le langage des Cieux ;
« La mort est dans les mots que prononce sa bouche ;
« Il brûle ce qu’il voit, il flétrit ce qu’il touche ;
« Il ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits ;
« Il est même sans joie aux malheurs qu’il a faits.
« Le Ciel qu’il habita se trouble à sa mémoire,
« Nul Ange n’osera vous conter son histoire,
« Aucun Saint n’oserait dire une fois son nom. »
Et l’on crut qu’Éloa le maudirait. Mais non,
L’effroi n’altéra point son paisible visage ;
Et ce fut pour le Ciel un alarmant présage.
Son premier mouvement ne fut pas de frémir,
Mais plutôt d’approcher comme pour secourir ;
La tristesse apparut sur sa lèvre glacée
Aussitôt qu’un malheur s’offrit à sa pensée ;