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XIV


Si elle pleura lorsqu’elle fut seule et libre, est-il besoin de le dire ? Il me semble la voir s’enfermant dans la pièce la plus reculée de son château, et là, donnant un libre cours à ses larmes, à ses plaintes, à ses cris. Mais la nature humaine n’a qu’une certaine somme de forces. Quand elles sont épuisées, quand les nerfs ont donné tout ce qu’ils avaient de vibrations et nos yeux tout ce qu’ils avaient de larmes, nous tombons fatalement dans une sorte de prostration, d’engourdissement moral qui ressemble au sommeil. Après une crise de douleur aigiie, Lucie tomba dans la douleur morne, puis dans une accalmie stupide.

Les milieux, avec cela, influent plus qu’on ne saurait dire sur notre pauvre nature riumaine. L’atmosphère fiévreuse de Paris soudain remplacée par le calme des champs, le fracas des événements par l’uniformité de la vie : les violentes secousses, les terribles angoisses, les périls sans cesse renaissants, par le recommencement perpétuel des choses, par le roulement égal et monotone des habitudes quotidiennes,

— tout concourut à abattre l’explosion de sa douleur, comme la pluie abat le vent.

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