Page:Vignon - Un naufrage parisien.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée


XI


J’ai dit quelle était la situation douloureuse de Lucie et de Miguel vers le commencement de juin 1849, et comment chacun des deux époux morganatiques traînait misérablement sa vie dans l’ornière de la pauvreté.

Ils s’aimaient toujours cependant, et les privations n’avaient point raison de l’amour dans ces cœurs de vingt-cinq ans. Au contraire, peut-être s’aimaient-ils mieux alors qu’au commencement de leur liaison. Pour Miguel, la présence de Lucie n’était-elle pas comme le rayon de soleil dans la cellule du prisonnier ? comme l’oasis dans le désert ? le repos après l’angoisse ? le rafraîchissement au milieu de l’enfer I Pour Lucie, l’amour exalté de Miguel n’était-il pas la revanche de mille supplices ? la compensation de toutes ses pertes sociales ? la cause et le but de ses luttes et de ses espérances ?

Elle avait besoin, d’ailleurs, d’exalter sa passion pour légitimer ses actes, et d’ennoblir le mobile de sa chute pour soutenir son courage. — Et puis, son amour grandissait de sa haine^ pour ainsi dire, et plus elle sentait cuisantes sur son front les blessures du joug conjugal, plus elle savourait les délices de la passion révoltée.