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de la traverse qui conduisait à la Brousse, les empreintes de sabots de cheval se triplaient. Il y avait, outre celles de son premier passage, estompées déjà par cette fine poussière de neige que le vent étendait partout comme un glacis, les traces plus récentes de l’allée et de la venue d’un cheval ; les pas s’enfonçaient dans la traverse et semblaient relier le village et le château.

— Qu’est-ce que c’est ? se demanda le marquis.

Et son imagination devint curieuse.

Car, au village de la Brousse, personne n’avait de cheval. — On laboure avec des bœufs dans le pays, et les chevaux, par conséquent, deviennent des animaux de luxe tout à fait au-dessus des moyens des pauvres cultivateurs qui peuplent le village. La plupart sont des manouvriers travaillant aux terres du marquis ; les autres, de petits propriétaires faisant valoir un lopin de terre acheté au retour de l’émigration. Quant au curé, lorsqu’il voulait aller voir un confrère, à quelques deux lieues, il empruntait un cheval au marquis.

Donc celui qui avait, ce soir-là, fait deux fois le trajet, entre la Brousse et Cladel, venait du château. — Et qu’allait-on faire du château à la Brousse ?

Le pauvre village était si dénué, qu’on n’y aurait