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— Madame, une imprudence peut tout perdre. Il y a des nécessités cruelles auxquelles il faut savoir se soumettre. — Votre premier devoir, vous dirait, je crois, l’abbé Dablin…

— Mais est-ce une vraie nécessité d’éloigner l’enfant ? L’innocent souffrira donc pour le coupable ? Je dois veiller sur ce pauvre petit être !… je veux le voir… je l’aime… Il est le gage d’un bonheur dont bientôt le souvenir ne sera plus qu’un rêve…

Sa voix s’altéra, ses yeux s’humectèrent et brillèrent : une larme, en passant, y mit une lumière ; puis, soudain, son front se rembrunit.

— Je devrais, au contraire, repousser cette pensée… et je sens, au détestable orgueil qui se révolte en moi, qu’un temps viendra où je souhaiterai d’oublier… Mais alors, je veux pouvoir aimer cet enfant comme la vivante image de l’expiation… L’aimer par devoir, et non plus d’une folle et coupable tendresse… Eh bien ! cette tendresse, déjà, par moments se heurte à la haine… À l’heure de la lutte, il faut qu’il soit là pour triompher.

Le docteur Lambert ne répondait pas. Il ne trouvait rien à opposer à ces raisons de sentiment ; mais il n’était pas convaincu et pressentait confusément des embarras et des dangers.