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voguaient tous deux vers une des baies enchanteresses qui bordent les côtes de la Spezzia, elle s’écriait encore dans un accès d’exaltation :

« — Est-il rien de plus beau dans les rêves que la réalité de notre amour ? Nous ne vivons pas en ce monde car nul ne sait seulement que nos yeux s’y sont rencontrés… Une fois que j’ai sauté dans cette barque et que tu l’as lancée loin de la terre, d’un coup d’aviron nous sommes rois de l’espace, et plus libres que les dieux dans l’éther… Il me semble que nous avons des ailes et que nous fuyons ensemble vers un autre univers… L’univers des heureux !… »

Tout à coup la voix lui manqua, coupée par une de ces insupportables angoisses qui commençaient à faire entrer l’enfer dans la vie de la comtesse de Morelay… « Oui, se dit-elle, des ailes !… Ah ! des ailes pour me dérober à ce terrible réveil ! Trois jours encore… deux peut-être seulement et le comte sera revenu !


XLIV

Le bateau effleurait le rivage. Pietro, abandonnant les rames, vint s’asseoir aux pieds de sa maîtresse en lançant une roulade. Elle, sans l’écouter, lui prit les mains et le regarda fixement d’un noir et profond