XLI
Ce qu’il y avait de plus douloureux, c’est qu’elle s’épuisait en vain à chercher des moyens d’exprimer ce qui se passait dans son âme, et ceux de faire sentir à Pietro que sa trop ardente maîtresse n’était point une conquête vulgaire. Mille protestations éloquentes lui venaient à l’idée, mais la passion et l’exaltation de sa tête lui fermaient la bouche ; elle devenait timide et interdite par la peur de mal rendre ce qu’elle ressentait. Et puis, est-ce par des paroles que l’on convainc de certaines choses ?
Elle voulut écrire ; mais ce que l’on ne sait pas dire il est difficile de l’écrire aussi. La pauvre femme refit dix fois sa lettre.
« Sais-tu que je crois vivre au pays des rêves ?… et qu’il me semble qu’un sylphe ou un archange m’entraîne avec lui dans des sphères bienheureuses où règne une ivresse éternelle ? Je vis en toi depuis que nos yeux ont échangé un premier regard ; rien de ce qui avait servi, jusqu’alors, de mobile à mes pensées et à mes affections ne subsiste plus dans