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la table à ouvrage à sa place attitrée, dans l’embrasure d’une des fenêtres, et posa la lampe sur la cheminée.

La lumière tomba en plein sur le visage de la marquise, qui tressaillit comme si un éclair eût tout à coup illuminé les pensées mystérieuses qu’elle y laissait courir dans l’ombre. Quelques plis contractèrent son front encore pur ; elle ferma vivement les yeux ; mais ce fut un mouvement rapide et bientôt comprimé.

— Éloigne un peu cette lampe, ma fille, dit-elle ; la lumière me fatigue les yeux, — et sonne pour le thé.

Henri et son répétiteur quittèrent leur coin sombre et s’approchèrent à leur tour du foyer. Henri était un beau garçon de quinze ans, fort et bien découplé, dont la lèvre déjà s’accentuait d’une ombre brune. Il s’assit sur un coussin, aux pieds de sa mère, lui prit les mains, allongea la tête sur ses genoux d’une façon câline, et dit :

— Je vais donc encore te quitter pour six mois, petite mère ? jusqu’à Pâques… à moins que d’ici-la quelque événement imprévu…

— Quel événement ? interrompit la mère avec une vivacité qui semblait aiguillonnée par une secrète terreur.