Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— En tout cas, dit la marquise, sa conduite est généreuse…

— Sans doute ! — Mais que serait-elle s’il agissait autrement ? Il y a des circonstances où un homme ne peut être qu’un héros ou un misérable.

Ces fières paroles restèrent sans réponse. Le marquis avança la main pour prendre le Journal des Débats, que lui présentait un domestique. Il fit sauter la bande et se mit à lire, tout en buvant son café, à petits coups.

Tandis que Mme de Fayan, pour se donner une contenance, demandait le numéro de la veille et semblait le parcourir des yeux, Clotilde, pour le même motif, prenait dans une corbeille à ouvrage un tricot commencé, et rêvait, en laissant manœuvrer ses doigts.

Quelle suite de pensées, quel mouvement de tendresse, quelle mystérieuse intuition de jeune fille, l’amenèrent à se rapprocher doucement de la marquise et à se pencher à son oreille, pour lui dire, avec un accent câlin :

— Mère ! mène-moi le voir, ce pauvre petit orphelin !

Mme de Fayan eut au cœur un de ces rafraîchissements qui semblent, aux malheureux tourmentés par les passions, comme aux damnés, une goutte d’eau