Page:Vignola - Toutes les femmes, vol. 3, 1904.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
TOUTES LES FEMMES

est proverbiale, mais les traits de leur visage sont souvent peu dignes de la réputation de beauté à laquelle ont droit ces filles de Castillanes et d’Andalouses. Chez toutes, cependant, le corps est un chef-d’œuvre de proportions et de charme, les yeux grands et veloutés sont sans égaux, le sourire est idéal. Les défauts des traits s’oublient si bien que l’on peut dire qu’il n’est créole qui ne captive : il lui suffit d’un regard, d’un sourire, d’un tour de tête ou d’une ondulation d’épaules.

Leur adorable nonchalance se trahit dans tout ce qui émane d’elles, même dans leur parler, si lent, si doux, si paresseux qu’on ne sait s’il est ainsi fait « pour ne point fatiguer les lèvres qui causent ou pour fasciner les oreilles qui écoutent ». La Havanaise pousse à l’excès cette horreur du mouvement et de l’action. Avant quatre heures de l’après-midi, elle n’a point fait dix pas dans sa maison. Étendue en rond, comme une chatte, dans ce fauteuil à bascule que l’on appelle berceuse, ou couchée sur une natte, à peine vêtue, mais soigneusement coiffée, la tête ornée de fleurs, elle rêve… à quoi ? À tout ce qui ne lui procurera pas la moindre occupation. Le soir venu, luxueusement habillée, elle se blottit à nouveau dans sa berceuse et la fait traîner sur une fenêtre grillée, en forme de rotonde, qui lui sert de balcon. De là elle regarde circuler les passants, et, comme les salons sont au niveau