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PORTRAITS JAUNES

les hommes comme les femmes, et il n’y a que les bonzes qui se rasent la tête. Un grand habit blanc, qui descend au-dessous des genoux et qui est ouvert sur les côtés, portant deux bandes superposées descendant devant et une derrière, avec les manches très larges ; un pantalon blanc très ample, des guêtres de toile blanche qui se serrent au-dessus des genoux ; des bas blancs en toile, enfin des souliers de paille, de chanvre ou de papier : — le papier coréen est très fort ; roulé sur ficelle, il rend le même service que les cordes de chanvre.

Le second moyen, à l’aide duquel on pouvait conserver l’incognito devant les Coréens, c’était l’anoblissement. Pour cela il n’était nullement besoin de titre. En Corée une foule de gens de la bourgeoisie se donnent le ton et les airs de la noblesse et passent pour nobles ; le missionnaire, en s’efforçant de suivre les règles de la gravité dans son extérieur et sa démarche, pouvait passer pour un noble. Cela était pour lui d’une importance considérable, car la noblesse, en Corée, jouit d’un grand ascendant, et il pouvait de la sorte se mettre à l’abri des questions importunes des passants, la plupart gens du commun, qui n’oseraient jamais s’adresser à un noble comme à un de leurs pareils et gardent même en sa présence une grande retenue.

Lecteurs, vous venez de prendre une silhouette de Coréen en même temps que vous avez appris quelque chose de la vie apostolique ; or ni cette vie ni ces portraits ne diffèrent sensiblement de ceux que nous pourrions trouver dans la Chine proprement dite. Il n’y a ici qu’un peu plus de liberté pour l’Européen et peut-être moins de simplicité chez les Chinois.

Les choses ont changé en Corée depuis quelque dix ans. Ce pays n’a pas subi le contact et le voisinage de la Russie impunément. Cette puissance lui a imposé un ministre en résidence à Séoul, les autres puissances ont envoyé des consuls, et puis les Japonais sont venus…

Le temps n’est plus où le missionnaire était obligé de se cacher pendant des mois au fond d’une misérable barque, croisant au large, au milieu des froides brumes d’hiver, pour tromper la surveillance active des féroces douaniers. Le temps n’est plus où l’on saisissait brutalement deux évêques et