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aux Açores, à Madère, aux îles Cap Vert et enfin aux Canaries. Cette dernière dislocation doit être placée au voisinage du néolithique et ce serait ses plus récentes phases, dont les hommes avaient conservé le souvenir, qui servit de texte au récit de Platon.

Avec quelques réserves, ces conclusions sont celles de M. Gentil qui écrit que l’existence de l’Atlantide est un « fait scientifiquement démontré », si l’on fait abstraction de l’époque à laquelle elle se serait effondrée. C’est également ce que pense M. Termier, qui fait un tableau brillant et émouvant des terribles révolutions dont l’Atlantique a été et sera encore le théâtre et qui déclare qu’on a la certitude qu’une vaste région s’est effondrée à l’ouest des Colonnes d’Hercule et que cet effondrement ne remonte pas très loin dans le passé. Dès l’année 1903, M. Scharff s’était prononcé dans le même sens[1] et il est juste de dire qu’il est le premier à avoir énuméré les nombreuses raisons, empruntées aux sciences naturelles, qui militent en faveur de l’existence d’une terre interocéanique aux temps du Pléistocène, alors que l’homme avait déjà fait son apparition dans l’Europe occidentale et pouvait aisément occuper ou traverser cette terre. Ajoutons que tout récemment M. Pitard, et un peu avant lui, M. Friedlander, ont fait, l’un à Puerto-Ventura, l’autre à l’île de Mayo, du Cap Vert, des observations géologiques qui sont de nature à confirmer les vues de ceux qui admettent la réalité de l’Atlantide.

Y a-t-il dans les considérations et dans les faits qui viennent d’être sommairement exposés, des raisons suffisantes pour écarter toutes les objections de M. Verneau et de ceux qui pensent comme lui ? On hésiterait à l’admettre même si les faits avancés étaient tous rigoureusement établis et s’il était démontré qu’ils ont la portée qu’on leur donne. Mais, sur certains points tout au moins, il est permis d’avoir quelques doutes à cet égard.

Toujours est-il que, contrairement à ce que pensait, il y a à peine quelques années, la majorité des savants, on incline aujourd’hui très fortement à croire qu’il a existé, à l’ouest du Détroit de Gibraltar une terre ou des îles continentales qui, pendant un temps, ont relié l’Ancien Monde au Nouveau et dont les quatre Archipels de l’Atlantique seraient les débris. Mais est-ce de cette terre, ou de l’une de ces îles que Platon a voulu parler ? Sommes-nous fondés à dire qu’il connaissait ces anciennes convulsions du globe, à la suite desquelles disparut un grand continent dont l’existence nous est révélée aujourd’hui seulement par la science ? Il semble bien difficile de le croire. Que l’homme ait été le témoin des dernières révolutions du globe, c’est ce qu’on ne saurait contester ; mais que le souvenir de ces événements, qui datent d’une époque où l’homme ne connaissait aucun moyen de fixer sa pensée, se soit transmis oralement pendant des centaines d’années jusqu’à l’époque où les Égyptiens purent le recueillir pour en entretenir Socrate, c’est bien invraisemblable. Est-ce que si une tradition rappelant ces faits avait réellement existé en Égypte, d’autres que Platon, Hérodote par exemple, ne l’auraient pas connue ? Or tout ce que les

  1. Scharff (Dr. R. F.). Some remarks on the Atlantide problems (Proceedings of the Royal Irish Academy, July 1903.