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moi-même j’ai pu juger en Saxe, au commencement de la campagne de 1813, qu’il a beaucoup d’énergie et d’intelligence. Plus tard, quand la crise sera décidée, je ne verrai aucune objection à l’employer ; aujourd’hui il ne m’inspire aucune confiance. » - « Pourquoi cela ? » - « Parce que les choses sont toutes différentes de ce qu’elles étaient en 1814 ; il n’y avait qu’un drapeau alors, il y en a deux maintenant. » - « Gérard en répond sur sa tête. » - « Gérard a tort ; moi je ne réponds de personne, je ne réponds que de moi. Je rappellerai à Sa Majesté un vieux mot d’il y a vingt ans et qui est tout aussi vrai aujourd’hui : les bleus sont les bleus et les blancs sont les blancs. » - « N’importe, j’ai promis et vous comprenez que ma parole doit être tenue. » - « Sire, si nous étions dans des circonstances ordinaires, Votre Majesté ne forcerait pas la main à son ministre de la Guerre qui lui offrirait respectueusement sa démission, plutôt que de souscrire à ce qu’il croit compromettant pour les intérêts de l’Empereur et ceux de son pays. J’obéirai à regret et je souhaite, plus que je ne l’espère, que Votre Majesté n’ait pas à s’en repentir. »
Depuis quelques jours, il était facile de s’apercevoir d’un changement dans les formes de la correspondance de l’Empereur ; ses lettres portaient presque toutes l’impression chagrine du mécontentement. Quoique le service se fît avec la même activité et le même zèle, le simple dissentiment prenait le ton de la désapprobation et même du reproche. Le Maréchal était trop clairvoyant et connaissait trop bien le terrain pour n’avoir pas jugé de suite d’où le coup partait. Il voyait bien qu’on le dénigrait à qui mieux mieux dans l’esprit de l’Empereur ; mais il ne