Page:Vigier - Davout, maréchal d'empire, Tome 2, 1898.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

à croire que je ne conviens pas au poste qu’elle me destine. J’ai ma manière de servir, qui n’est pas celle de tout le monde. C’est elle qui est cause de cette âpreté de caractère qu’on me reproche, parce que, ne m’épargnant pas moi-même, je ne puis souffrir que les autres s’épargnent, et que je ne leur ménage pas au besoin les expressions de mon mécontentement. Cela m’a réussi à l’étranger, où je pouvais éloigner ceux à qui mes façons d’être ne plaisaient pas ; au ministère, j’aurai tout le monde contre moi et le service de Votre Majesté en souffrira. On m’accuse aussi d’être soupçonneux ; je ne le nie pas et l’événement ne m’a que trop donné raison. Mais, avec les souvenirs si récents de cette dernière année, cette disposition d’esprit peut me rendre injuste, m’empêcher de m’associer, comme il le faudrait, aux idées généreuses de Votre Majesté. Un autre aura ce liant qui me manque et qui est commandé par les circonstances. Quant à moi, si nous devons avoir la guerre, c’est sur les champs de bataille que je servirai Votre Majesté bien mieux que dans des fonctions que, dans mon âme et conscience, dans mon zèle et mon attachement sans bornes pour la personne de Votre Majesté, je persiste formellement à refuser. – Eh bien ! je vais vous parler à cœur ouvert, vous dire tout. Je laisse et je dois laisser encore croire que j’agis de concert avec mon beau-père, l’Empereur d’Autriche ; on annonce de tous côtés que l’Impératrice est en route avec le Roi de Rome, qu’elle va arriver d’un jour à l’autre. La vérité est qu’il n’en est rien, que je suis seul, seul en face de l’Europe. Voilà ma situation, voulez-vous m’abandonner ? – Sire, je n’ai qu’une réponse à faire, j’accepte le ministère. »