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républicain, et Delille royaliste ; c’en est assez pour qu’ils n’aient de juges que les passions des hommes. Ils seront tour-à-tour décriés par les uns, exaltés par les autres. On ne distinguera ni leurs défauts ni leurs qualités ; et leurs ouvrages seront admirés ou condamnés en masse.

Delille a été cependant plus heureux que son rival. Il étoit déjà dans tout l’éclat de sa gloire, quand la révolution est venue ; et Chénier n’a pour ainsi dire commencé qu’avec elle. Delille a trouvé des partisans, des flatteurs même parmi les hommes qui ne partageoient pas ses opinions ; et Chénier a été frustré de l’éloge que lui devoit l’académie dont il avoit soutenu la gloire. Mais il viendra sans doute le temps où ces deux écrivains seront mis à leur place. La brillante versification de l’un obtiendra grâce pour ses antithèses, ses néologismes, et le vague de ses compositions. En condamnant le désordre d’un édifice, qui ne présente dans son ensemble qu’un assemblage fortuit de mille parties incohérentes, on admirera mille détails qui décèlent presque par-tout l’homme de goût