Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Répondoit en riant l’auteur du Misanthrope.
On parlera de toi comme on parloit d’Ésope ;
Mais le cœur des humains est rude à manier.
L’homme est de sa nature un être singulier,
Un mélange affligeant de force et de foiblesse.
Il pense noblement ; il parle avec sagesse ;
Il est bon juge, excellent conseiller ;
Mais quand il faut agir, sa raison le délaisse :
Et ce n’est plus qu’un écolier.
Tes écrits cependant feront plus que les nôtres.
Tes aimables leçons n’ont pas été sans fruit.
Prenant l’homme au berceau, tu fais plus que les autres,
Et c’est en l’amusant que ta muse l’instruit.
— Je ne le croyois pas, répliquoit le bon homme.
Ces vers que je rimois, sans trop y réfléchir,
L’enfance les redit sans les approfondir.
Le petit garçon devient homme.
Les passions s’emparent de son cœur.
Une robe, un coursier, un glaive,
Une femme, un coup d’œil emporte mon élevé ;
Et je ne suis qu’un radoteur :
Tandis que sur la scène, où tu régnois en maître,
On alloit chaque jour te voir et t’écouter.
Des traits qu’il applaudit l’homme doit profiter ;
Et dans son cœur ému ta morale pénètre.
— Non, non, disoit Molière, il y faut renoncer.
Mes traits ne portent point ; ils ne font que glisser ;
Et l’homme est insensible aux leçons que je donne.