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— Comme on suit une torche au parfum de sa flamme
Sans la voir, que dans sa pensée.

C’est toi que j’ai suivi, Amour — des filles folles
M’ont baisé sur la bouche et j’en ai cru mourir ;
Car elles avaient le goût de vivantes corolles
Et le chant des ruisseaux jaillissait de leurs rires ;
C’est toi que j’ai voulu — elles m’ont laissé la soif
Que nul baiser n’étanche, hors le tien, bel Amour ;
Et je passe maintenant sans qu’elles m’aperçoivent
Et je les vois à peine, sur la route qui court.


Car hier — quelle année sommes-nous ? —
Penché sur cette source pour y boire,
Je n’ai pas reconnu le vieillard à genoux
Qui buvait, près de moi, dans sa main, l’onde noire
— Noire d’ombre, comme une eau de Léthé, noire de soir
Sa barbe est rousse, ses yeux sont doux
Et qui pénètrent au fond de vous
Comme pour y chercher le songe
De vos vingt ans, qu’il a perdu.

Je l’avais regardé si longuement…