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LAZARILLE

précaution le coffre ainsi navré, et, à tâtons, du pain que je trouvai entamé fis comme il a été dit ci-dessus. Par ce moyen quelque peu consolé, je refermai le coffre et retournai à ma paillasse, où je reposai et dormis un peu, mais mal, ce que j’attribuai à la diète, et ce devait être la vraie cause, car, en ce temps certes, les soucis du roi de France n’étaient pas pour m’ôter le sommeil.

Le lendemain, le seigneur mon maître ayant aperçu le dégât, tant du pain que du trou que j’avais fait, commença à donner les rats au diable et à s’écrier : « Que dirons-nous à cela ? N’avoir jamais senti de rats en cette maison, sinon maintenant ! » Et sans doute il disait vrai, car si une maison au royaume devait être exempte de rats, ce devait être celle-là, les rats n’ayant point coutume de demeurer où il n’y a rien à manger. Puis le prêtre recommença à chercher des clous sur les murs de la maison et des planchettes pour boucher les trous.

La nuit venue et le prêtre endormi, aussitôt j’étais sur pied avec mon attirail, et les trous qu’il bouchait de jour, je les débouchais de nuit.