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LAZARILLE

bonnes choses, et l’une d’elles fut celle-là. Finalement, le prêtre me reçut à son service. J’échappai au tonnerre pour tomber dans l’éclair, car mon aveugle, quoiqu’il fût, comme j’ai conté, l’avarice même, au prix de celui-ci était un Alexandre. Je ne dis rien de plus, sinon que toute la ladrerie du monde était enfermée dans cet homme : j’ignore s’il la tenait de sa nature ou s’il l’avait endossée avec l’habit de prêtrise.

Il possédait un grand coffre vieux et fermé par une clef qu’il portait pendue à une aiguillette de son saye ; et dès que lui venait de l’église le pain de l’offrande, il l’y jetait incontinent, puis refermait le coffre. Dans toute la maison il n’y avait chose à manger comme il y a communément dans d’autres, quelque morceau de lard accroché à la cheminée, quelque fromage posé sur une tablette, ou, dans l’armoire, quelque corbeille avec des croûtes de pain ramassées sur la table, car, encore que je n’en dusse pas profiter, il me semble que la seule vue de ces choses m’eût réconforté.