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LAZARILLE

« Lazare, cette eau est fort persistante, et tant plus la nuit tombe, tant plus il pleut. Rentrons au logis de bonne heure. » Pour nous y rendre, il fallait traverser un ruisseau, que la pluie avait beaucoup enflé. Je lui dis : « Oncle, le ruisseau est très gros, mais, si vous voulez, je vous mènerai en un lieu où il se resserre et où nous pourrons le passer plus facilement sans nous mouiller, et en sautant nous le franchirons à pied sec. » Ce conseil lui parut bon, et il me répondit : « Tu es intelligent et c’est pourquoi je t’aime bien. Conduis-moi à cet endroit où le ruisseau s’étrécit, car nous sommes en hiver, et, en ce temps, il est déplaisant d’être mouillé, surtout aux pieds. »

Aussitôt que je vis qu’il se prêtait à mon dessein, je le menai sous les auvents et le conduisis droit à un pilier ou poteau de pierre élevé en la place, qui soutenait avec d’autres piliers les saillies des maisons, et lui dis : « Oncle, voici le passage le plus étroit du ruisseau. » Comme il pleuvait fort, que le pauvre se mouillait et que nous avions hâte d’échapper à l’eau qui nous tombait sur le dos, et par dessus