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DE TORMÈS

toire de la cruche que celle des raisins et cette dernière. Et tel était le rire des gens que tous ceux qui passaient par la rue entraient pour voir la fête ; et je dois dire que l’aveugle contait mes prouesses avec tant de grâce et de gentillesse, que, tout maltraité que j’étais et larmoyant, il me semblait que je lui faisais tort en ne riant pas comme les autres.

À ce moment il me souvint d’une couardise ou faiblesse que je me maudissais d’avoir commise et qui fut de ne lui avoir pas coupé le nez, puisque j’avais eu si bonne occasion pour cela, et que la moitié du chemin était faite. Rien qu’en serrant les dents, ce nez serait resté chez moi, et, considéré qu’il appartenait à ce méchant,