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LAZARILLE

de sorte que, pour vite que l’aveugle allongeât la main, l’offrande, par mon change, lui arrivait diminuée de la moitié de sa valeur. Le méchant aveugle se lamentait, car incontinent au toucher il connaissait que la blanque n’était pas entière. « Que diable est cela ? » disait-il, « depuis que tu es avec moi, on ne me donne que demi-blanques, et auparavant on m’en donnait d’entières, voire même une blanque et un maravédis. Tu dois être cause de cette mesquinerie. »

Aussi abrégeait-il ses oraisons de plus de moitié, m’ayant commandé de le tirer par le bout de son manteau dès que celui qui le faisait réciter s’en allait ; et aussitôt que je l’avais avisé, il recommençait à crier : « Qui veut faire réciter telle ou telle oraison ? » comme les aveugles disent communément.

Quand nous mangions, il avait coutume de placer auprès de lui un petit pot de vin. Moi, d’abord, je le saisissais lestement, et, après lui