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LAZARILLE

noir, se mit à crier, le montrant du doigt avec terreur : « Maman, la bête ! » Et le More, riant, répondit : « Hi.. de puta.. ! » Quoique bien jeune, je notai ces paroles de mon petit frère et me dis à part moi : Combien doit-il y en avoir par le monde qui fuient les autres parce qu’ils ne se voient pas eux-mêmes !

Notre malheur voulut que la fréquentation du Zaide (ainsi se nommait le More) vînt aux oreilles du maître d’hôtel, qui, ayant fait l’enquête, découvrit que le More volait la moitié en moyenne de l’orge qu’il recevait pour ses bêtes, volait le son, le bois, les étrilles, les housses, perdait à dessein les couvertures et les draps des chevaux, et, quand il ne trouvait rien d’autre, déferrait les bêtes. Tout cela, il l’apportait à ma mère pour nourrir mon petit frère. Ne nous émerveillons donc pas qu’un prêtre ou un religieux vole l’un aux pauvres, l’autre