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PRÉFACE

ses aventures à la cour du roi-poisson. Surtout ils trouvent une grande différence de style entre les deux parties, et le bon est qu’ils jugent très supérieur à l’autre le premier Lazarille, d’après le texte courant, texte augmenté du chapitre des Allemands, lequel, comme il a été dit, est le début de cette seconde partie « absurde et ridicule. » Que les deux parties n’aient pas le même auteur, on l’accordera sans trop de peine, encore qu’il fût nécessaire de le prouver, les différences de style entre l’une et l’autre n’étant pas telles qu’elles crèvent les yeux, et l’on concédera encore que la fable elle-même, le côté aventures n’est pas ici d’un bien vif intérêt. — Mais qu’ont donc de palpitant les romans picaresques en général ? Je demande seulement qu’on veuille bien trouver assez fines et mordantes les allusions aux intrigues de cour, à l’art d’arriver et de se maintenir en faveur par les femmes et autres choses non moins curieuses qui sont le fond du récit, le vrai sens de cette allégorie, du séjour de Lazare au pays des thons. Cette suite se termine par le retour du héros à la vie réelle. Tout à la fin un chapitre, qui semble ajouté après coup, montre Lazare disputant avec les docteurs de Salamanque et les « mettant de cul » comme Pantagruel les artiens de Sorbonne : l’historiette n’est d’ailleurs que la reproduction du chapitre XXVIII des Aventures de Til Ulespiègle.

L’autre continuation qui est de ce Luna, dont il a été parlé plusieurs fois déjà, reprend Lazare à Tolède, dans son ménage en commandite et l’embarque aussi pour Alger ; mais le reste est différent. Luna renonce aux thons qui avaient eu peu de succès et leur substitue une histoire assez divertissante et qui n’est pas sans mérite de style.

En 1561 le premier Lazarille fut traduit en français par Jean Saugrain : « L’histoire plaisante et facétieuse du