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PRÉFACE

« Au nom du Saint-Esprit, je te commande de te lever et de recouvrer la santé. » Frère Mariano, qui jusqu’à ce moment avait eu grand’peine de s’empêcher de rire, ayant bu le breuvage et entendu la conjuration, se leva sur ses pieds, et tout ahuri, s’écria : « Jésus ! Jésus ! » La foule, voyant ce nouveau miracle, stupéfaite et atterrée, cria à son tour : « Jésus ! Jésus ! » Et c’était à qui courrait sonner les cloches, à qui baiser et toucher les vêtements du prédicateur ; tous si pénétrés de dévotion et si contrits, qu’ils se figuraient être au jugement dernier, » etc.

Qu’on veuille bien après cela se reporter au chapitre sixième de notre roman et comparer. Il saute aux yeux que les deux récits se tiennent étroitement, et que notre conteur n’a fait que démarquer Massuccio en le colorant à l’espagnole. Ou bien, n’aurait-il pas pris cette historiette ailleurs, car Massuccio peut ne pas être le seul italien de son époque qui l’ait recueillie ? Possible ; mais en tout cas le pastiche existe ; le bulliste du Lazarille n’est que l’adaptation, d’ailleurs réussie, d’un conte évidemment italien d’origine.

Après le bulliste, voici de nouveau quelques esquisses dont les contours sont à peine indiqués : Lazarille sert un peintre de tambourins, un chapelain, un alguazil, tout cela raconté en courant, sans détails, sans rien qui mette en évidence les traits caractéristiques de ces nouveaux types. Incontestablement l’auteur s’est dégoûté de son œuvre, il n’écrit plus que pour grossir un peu le petit livret, dont il cherche en tâtonnant le dénouement ; on le dirait talonné par le désir d’en finir. Cette fin, c’est le huitième chapitre. Lazare, devenu crieur public, se marie avec la servante de l’archiprêtre de San Salvador. Encore l’Église. Le haut dignitaire du grand archevêché de Tolède trouve dans le nouveau crieur