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PRÉFACE

« Or, tandis qu’il narrait les vertus du saint, dit Massuccio, voici que d’un coin de l’église Frère Mariano da Saona, s’étant avec difficulté fait jour au travers de la foule, s’avance en criant vers le frère Girolamo, et en cette forme commence à parler : « Oh ! vil ribaud, fainéant et imposteur devant Dieu et les hommes ! n’as-tu point de honte de dire si grande et énorme menterie, que ceci est le bras de saint Luc, quand je sais certainement que son corps sacré est intact à Padoue ? Cet os carié, tu as dû le prendre dans quelque sépulture pour tromper les gens, et je m’étonne grandement que Monseigneur et les autres vénérables pères de cette église ne te fassent point lapider comme tu le mérites. » L’archevêque et le peuple, fort ébahis de telle nouveauté, le réprimandant, lui dirent de se taire ; mais lui, malgré tout, ne cessait de crier, et, avec plus grande ferveur que devant, exhortait le peuple à ne point ajouter foi au prêcheur. Alors Frère Girolamo, sentant le moment venu d’opérer le faux miracle qu’il avait préparé, affecta quelque trouble, de la main demanda au peuple qui murmurait de faire silence, et l’ayant obtenu, se tourna vers le maître autel, s’agenouilla devant le crucifix qui y était pendu, et les larmes dans la voix, commença à dire : « Jésus-Christ, mon Seigneur, rédempteur de l’humaine nature, Dieu et homme, toi qui m’as formé et fait à ton image et qui par les mérites de ton très glorieux corps, m’as conduit ici, et qui par ton immaculée chair humaine et avec très amère passion m’as racheté, je te supplie, par les miraculeux stigmates que tu as donnés à notre séraphique François, de vouloir montrer un miracle évident aux yeux de ce très dévot peuple en la personne de cet honnête religieux, qui, comme ennemi et émule de notre ordre, est venu contester ma vérité ; et qu’il ait lieu en cette forme : que