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LAZARILLE

maudite vanité qu’ils nomment honneur, prendre un brin de la paille dont la maison n’était déjà guère pourvue, et, sortant sur le pas de la porte, se curer les dents, qui entre elles n’avaient rien, tandis qu’il se lamentait sans cesse de ce malencontreux logis. « Il est mauvais, vois-tu, et c’est le sort désastreux de notre demeure qui est cause de ce qui nous arrive. Elle est lugubre, triste, sombre, et tant que nous y vivrons, nous souffrirons : je désire que vienne la fin du mois pour en sortir. »

Ainsi persécutés de faim et de misère, un jour, je ne sais par quelle chance ou aventure, au pauvre pouvoir de mon maître tomba un réal ; armé duquel, il s’en vint à la maison aussi triomphant que s’il eût eu le trésor de Venise, et, d’un air fort satisfait et souriant, me le donna, en disant : « Tiens, Lazare, voici que Dieu nous