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LAZARILLE

n’était point encore satisfaite, ne voulut pas même que je demeurasse en cette misérable et honteuse existence, car, l’année ayant été stérile en blé, le conseil de la cité décida d’en bannir tous les étrangers pauvres, publiant peine du fouet contre ceux qui y seraient dorénavant rencontrés. Et, en exécution de ce ban, quatre jours après qu’il fut publié, je vis mener une procession de pauvres qu’on fouettait par les quatre rues principales, ce qui me causa une si grande épouvante que je n’osais plus me risquer à mendier.

Alors, qui l’aurait pu voir, eût vu la disette de notre maison, la tristesse et le silence de ses habitants, tellement qu’il nous arriva de demeurer deux ou trois jours sans manger une bouchée ni parler une parole. À moi me sauvèrent la vie quelques femmelettes, fileuses de