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LAZARILLE

fortune : avoir quitté les mauvais maîtres que j’avais eus pour trouver mieux, et en rencontrer un qui, non seulement, ne me nourrissait pas, mais que je devais nourrir ! Malgré tout, je l’aimais bien, considérant qu’il n’avait ni ne pouvait davantage, et, au lieu de lui en vouloir, j’en avais plutôt pitié : aussi, bien souvent, pour porter au logis de quoi l’entretenir, je m’entretenais mal.

Un matin que le pauvre, sorti du lit en chemise, était monté au haut de la maison pour y faire ses besoins, je me mis, afin d’éclaircir mes doutes, à fouiller son pourpoint et ses chausses qu’il avait laissés à son chevet, et y trouvai une petite bourse en velours de soie, plus de cent fois repliée sur elle-même et sans une maudite blanque ni apparence qu’il y en eût eu depuis fort longtemps. Cet homme, me dis-je, est pauvre,