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LAZARILLE

prenant la cruche, dévalai à la rivière, où, dans un jardin avoisinant, je vis mon maître en grande conversation amoureuse avec deux femmes, en apparence de celles dont ce lieu est bien fourni et qui ont pour coutume, les matinées d’été, d’aller prendre, le frais et déjeuner, sans porter de quoi, le long de ces fraîches rives, dans l’espoir qu’elles ne laisseront pas d’y trouver quelqu’un qui les régale, selon l’habitude que leur en ont donnée les nobles galants de ce lieu. Mon maître, comme j’ai dit, était au milieu d’elles, semblable à Macias l’énamouré, et leur disait plus de douceurs que n’en a écrites Ovide. Lorsqu’elles sentirent qu’il était bien attendri, elles n’eurent nulle vergogne de lui demander à déjeuner, en échange du payement accoutumé. Lui, qui se sentait aussi froid