Page:Vie de Lazarille de Tormès, 1886.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
DE TORMÈS

moi, de m’offrir ses services pour m’aider à manger le reste. Aussi achevâmes-nous quasi en même temps. Alors il se mit à secouer avec ses doigts quelques rares miettes et bien menues qui lui étaient demeurées sur la poitrine ; puis il entra dans une petite chambre qui était auprès et en rapporta une cruche ébréchée et pas trop neuve, qu’il me tendit, après en avoir bu. Moi, pour faire le tempérant, je lui dis : « Monsieur, je ne bois pas de vin. » — « C’est de l’eau, me répondit-il, tu peux bien en boire. » Je pris donc la cruche et bus, mais pas beaucoup, car mon angoisse n’était pas de soif. Nous demeurâmes ainsi jusqu’à la nuit à deviser de choses dont il désirait s’enquérir, moi lui répondant du mieux que je savais.

Sur ces entrefaites, il me mena dans la chambre où était la cruche dont nous avions bu et me dit : « Garçon, mets-toi là, et regarde comment nous ferons ce lit, afin que dorénavant tu saches le faire. » Je me plaçai d’un côté et lui de l’autre, et nous fîmes le pauvre lit, où il n’y avait guère à faire, car il n’était formé que d’une claie de cannes, portée par des tréteaux, sur laquelle