Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Comme je m’absentais quelquefois pour aller dîner avec mon général, dont je ne pouvais pas, lui disais-je, refuser les invitations, elle voulut absolument que je le lui présentasse avec mes autres amis. D’abord je ne me souciai guère d’introduire mes associés dans la société de la baronne ; elle voyait du monde, et nous pouvions rencontrer chez elle quelqu’un qui découvrît nos petites spéculations. Mais la baronne insista, et je me rendis, en témoignant le désir que le général, qui voulait garder une espèce d’incognito, fût reçu en petit comité. Il vint donc : la baronne, qui l’avait placé auprès d’elle, lui fit un accueil si distingué, lui parla si long-temps à demi-voix, que je fus piqué. Pour rompre le tête-à-tête, j’imaginai d’engager le général à nous chanter quelque chose en s’accompagnant sur le piano. Je savais fort bien qu’il était incapable de déchiffrer une note, mais je comptais sur les instances ordinaires de la compagnie, pour lui donner de l’occupation au moins pour quelques instants. Mon stratagème ne réussit qu’à moitié : le lieutenant-colonel, qui était de la partie, voyant qu’on pressait vivement le général, offrit obligeamment de le remplacer ; je le vis en effet se mettre au piano, et chanter quelques