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Lebon ; sa femme l’accompagnait, et il traînait à sa suite les principaux terroristes du pays, parmi lesquels je reconnus l’ancien perruquier de mon père, et un cureur de puits nommé Delmotte, dit Lantillette. Je les priai de dire un mot en ma faveur au représentant ; ils me le promirent, et j’augurai d’autant mieux de la démarche, qu’ils étaient tous deux fort en crédit. Cependant Joseph Lebon parcourait les salles, interrogeant les détenus d’un air farouche, et affectant de leur adresser d’effrayantes interpellations. Arrivé à moi, il me regarda fixement, et me dit d’un ton moitié dur, moitié goguenard : « Ah ! ah ! c’est toi, François !… tu t’avises donc d’être aristocrate ; tu dis du mal des sans-culottes… tu regrettes ton ancien régiment de Bourbon… prends-y garde, car je pourrais bien t’envoyer commander à cuire (guillotiner). Au surplus envoie-moi ta mère !  » Je lui fis observer qu’étant au secret, je ne pouvais la voir. « Beaupré », dit-il alors au geôlier, « tu feras entrer la mère Vidocq », et il sortit me laissant plein d’espoir, car il m’avait évidemment traité avec une aménité toute particulière. Deux heures après, je vis venir ma mère ; elle m’apprit ce que j’ignorais encore, que mon dénonciateur était le musicien que j’avais appelé en duel. La dénonciation était entre les mains d’un jacobin forcené,