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ancien musicien de régiment, était un de ces hommes qui, sans se vanter de succès qu’ils n’ont pas obtenus, donnent cependant à entendre qu’on ne leur a rien refusé. Je lui reprochai une jactance de ce genre, il se fâcha, je le provoquai, il souffla dans la manche, et déjà j’avais oublié mes griefs, lorsqu’il me revint qu’il tenait sur mon compte des propos faits pour m’offenser. J’allai aussitôt lui en demander raison ; mais ce fut inutilement, et il ne consentit à venir sur le terrain qu’après avoir reçu de moi, en présence de témoins, la dernière des humiliations. Le rendez-vous fut donné pour la matinée du lendemain. Je fus exact ; mais à peine arrivé, je me vis entouré par une troupe de gendarmes et d’agents de la municipalité, qui me sommèrent de leur rendre mon sabre et de les suivre. J’obéis, et bientôt se fermèrent sur moi les portes des Baudets, dont la destination était changée depuis que les terroristes avaient mis la population d’Arras en coupe réglée. Le concierge Beaupré, la tête couverte d’un bonnet rouge, et suivi de deux énormes chiens noirs qui ne le quittaient pas, me conduisit dans un vaste galetas, où il tenait sous sa garde l’élite des habitants de la contrée. Là, privés de toute communication avec le dehors, à peine leur était-il permis d’en recevoir des aliments, et encore ne