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sur Aix-la-Chapelle ; la compagnie à laquelle j’appartenais reçoit l’ordre de suivre le mouvement Nous partons : en entrant à Rocroi j’aperçois des chasseurs du 11e ; je me croyais perdu, quand mon ancien capitaine, avec qui je ne pus éviter d’avoir une entrevue, se hâta de me rassurer. Ce brave homme, qui me portait de l’intérêt depuis qu’il m’avait vu tailler des croupières aux hussards de Saxe-Teschen, m’annonça qu’une amnistie me mettant désormais à l’abri de toute poursuite, il me verrait avec plaisir revenir sous ses ordres. Je lui témoignai que je n’en serais pas fâché non plus ; il prit sur lui d’arranger l’affaire, et je ne tardai pas à être réintégré dans le 11e. Mes anciens camarades m’accueillirent avec plaisir, je ne fus pas moins satisfait de me retrouver avec eux, et rien ne manquait à mon bonheur, lorsque l’amour, qui y était aussi pour quelque chose, s’avisa de me jouer un de ses tours. On ne sera pas surpris qu’à dix-sept ans j’eusse captivé la gouvernante d’un vieux garçon. Manon était le nom de cette fille ; elle était au moins le double de mon âge ; mais elle m’aimait beaucoup, et pour me le prouver, elle était capable des plus grands sacrifices, rien ne lui coûtait ; j’étais à son gré le plus beau des chasseurs, parce que j’étais le sien, et elle voulait encore que j’en fusse le plus pimpant ; déjà elle