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les Français à voler à la défense de la patrie. Dans de telles conjonctures, on enrôle les premiers venus : un maréchal-des-logis du 11e de chasseurs reçut notre engagement ; on nous délivra des feuilles de route, et nous partîmes aussitôt pour Philippeville, où était le dépôt.

Mon compagnon et moi, nous avions fort peu d’argent ; heureusement, une bonne aubaine nous attendait à Châlons. Dans la même auberge que nous, logeait un soldat de Beaujolais ; il nous invita à boire : c’était un franc Picard, je lui parlai le patois du pays, et insensiblement le verre à la main, il s’établit entre nous une si grande confiance, qu’il nous montra un porte-feuille rempli d’assignats qu’il prétendait avoir trouvé aux environs de Château-l’Abbaye. « Camarades, nous dit-il, je ne sais pas lire, mais si vous voulez m’indiquer ce que ces papiers valent, je vous donnerai votre part. » Le Picard ne pouvait pas mieux s’adresser : sous le rapport du volume, il eut le plus gros lot ; mais il ne soupçonnait pas que nous nous étions adjugé les neuf dixièmes de la somme. Cette petite subvention ne nous fut pas inutile pendant le cours de notre voyage, qui s’acheva le plus gaîment du monde. Parvenus à notre destination, il nous resta de quoi