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plus assez sûr de la force de mon caractère pour ne pas craindre de me familiariser avec ce perfide et dangereux langage. À la vérité, j’avais déjà résisté à de nombreuses tentations ; mais le besoin, la misère, le désir surtout de recouvrer la liberté, peuvent souvent faire faire vers le crime un pas involontaire. Je ne m’étais pas encore trouvé dans une situation à laquelle il m’eût paru plus urgent d’échapper. Dès lors toutes mes pensées se tournèrent vers la possibilité d’une évasion. Divers plans s’offraient à mon esprit ; mais ce n’était pas tout de les avoir conçus : pour les exécuter, il me fallait attendre un moment favorable ; jusque-là la patience était l’unique remède à mes maux. Attaché au même banc que des voleurs de profession, qui déjà s’étaient évadés plusieurs fois, j’étais, ainsi qu’eux, l’objet d’une surveillance bien difficile à déjouer. Retirés dans leurs cambrons (cabanes), placés à peu de distance de nous, les argousins étaient à portée d’épier nos moindres mouvements. Le père Mathieu, leur chef, avait des yeux de lynx, et une telle habitude des hommes, qu’à la première vue il s’apercevait si l’on avait le dessein de le tromper. Ce vieux renard approchait de la soixantaine, mais, pourvu d’une de