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prit un nouvel aspect : on se précipita sur les argousins en criant : À terre ! à terre ! tout le monde ; et l’obscurité, jointe au trouble du moment, permettant de compter sur l’impunité, les plus intrépides d’entre les forçats, se levèrent en déclarant que personne ne sortirait du bateau avant qu’il n’eût touché le rivage. Le lieutenant Thierry, le seul à peu près qui n’eût pas perdu son sang-froid, fit bonne contenance : il protesta qu’il n’y avait aucun danger, et la preuve c’est que ni lui ni les mariniers ne songeaient à quitter l’embarcation. On le crut d’autant mieux, que le temps se calmait sensiblement. Le jour parut : sur le fleuve uni comme une glace, rien n’eût rappelé les désastres de la nuit, si les eaux bourbeuses n’eussent charrié des bestiaux morts, des arbres entiers, des débris de meubles et d’habitations.

Échappés à la tempête, nous débarquâmes à Avignon, où l’on nous déposa dans le château. Là commença la vengeance des argousins : ils n’avaient pas oublié ce qu’ils appelaient notre insurrection ; ils nous en rafraîchirent d’abord la mémoire à grands coups de bâton ; puis ils empêchèrent le public de donner aux condamnés des secours que le terme du voyage ne devait