jusqu’à Chalon, où l’on nous embarqua sur un grand bateau rempli de paille, assez semblable à ceux qui apportent le charbon à Paris ; une toile épaisse le recouvrait. Si, pour jeter un coup d’œil sur la campagne, ou pour respirer un air plus pur, un condamné en levait un coin, les coups de bâton pleuvaient à l’instant sur son dos. Quoique exempt de ces mauvais traitements, je n’en étais pas moins fort affecté de ma position ; à peine la gaieté de Jossas, qui ne se démentait jamais, parvenait-elle à me faire oublier un instant. qu’arrivé au bagne, j’allais être l’objet d’une surveillance qui rendrait toute évasion impossible. Cette idée m’assiégeait encore quand nous arrivâmes à Lyon.
En apercevant l’Île Barbe, Jossas m’avait dit : « Tu vas voir du nouveau. » Je vis en effet sur le quai de Saône, une voiture élégante, qui paraissait attendre l’arrivée du bateau ; dès qu’il parut, une femme mit la tête à la portière, en agitant un mouchoir blanc : « C’est elle », dit Jossas, et il répondit au signal. Le bateau ayant été amarré au quai, cette femme descendit pour se mêler à la foule des curieux, je ne pus voir sa figure que couvrait un voile noir fort épais. Elle resta là depuis quatre heures de l’après-