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pas écoulé, que j’étais dans un état déplorable ; mes habits tachés de graisse et déchirés par les singes, étaient en lambeaux ; la vermine me dévorait ; la diète forcée m’avait maigri au point qu’on ne m’aurait pas reconnu ; c’est alors que se ranimèrent encore avec plus d’amertume les regrets de la maison paternelle, où l’on était bien nourri, bien couché, bien vêtu, et où l’on n’avait pas à faire des ménages de singes.

J’étais dans ces dispositions, lorsqu’un matin Comus vint me déclarer qu’après avoir bien réfléchi à ce qui me convenait, il s’était convaincu que je ferais un habile sauteur. Il me remit en conséquence dans les mains du sieur Balmate, dit le petit diable, qui eut ordre de me dresser. Mon maître faillit me casser les reins à la première souplesse qu’il voulut me faire faire ; je prenais deux ou trois leçons par jour. En moins de trois semaines, j’étais parvenu à exécuter dans la perfection le saut de carpe, le saut de singe, le saut de poltron, le saut d’ivrogne, etc. Mon professeur, enchanté de mes progrès, prenait plaisir à les accélérer encore… cent fois je crus que, pour développer mes moyens, il allait me disloquer les membres. Enfin nous en vînmes aux difficultés de l’art, c’était tou-