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je me tirai passablement d’affaire en l’imitant en tout point. La messe finie, on se mit à table, et les questions commencèrent. Je dis à ces braves gens que je me rendais à Rennes pour accomplir une pénitence. Le curé n’insista pas ; mais le sacristain, me pressant un peu vivement, afin de savoir pourquoi j’étais ainsi punie, je lui répondis : « Hélas ! c’est pour avoir été curieuse ! Mon homme se le tint pour dit, et quitta ce chapitre. Ma position était cependant assez difficile ; je n’osais pas manger, dans la crainte de déceler un appétit viril ; d’un autre côté, je disais plus souvent M. le Curé, que mon cher frère, de telle sorte que ces distractions eussent pu tout découvrir, si je n’eusse abrégé le déjeuner. Je trouvai cependant moyen de me faire indiquer les endroits de cantonnement, et, muni des bénédictions du curé, qui me promit de ne pas m’oublier dans ses prières, je me remis en chemin, déjà familiarisé avec mon nouveau costume.

Sur la route je rencontrai peu de monde ; les guerres de la révolution avaient dépeuplé ce malheureux pays, et je traversai des villages où il ne restait pas debout une maison. À la nuit, arrivant dans un hameau composé de quelques