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désappointement pour moi, qui comptais bien m’esquiver dans le trajet du cabaret à la mairie. Il fallait cependant se tirer de là, de manière ou d’autre. Je dis au fonctionnaire en sabots, qu’ayant pris la traverse en partant de Morlaix pour Brest, je m’étais égaré ; je lui demandai en même temps à quelle distance je me trouvais de cette dernière ville, en témoignant le désir d’y aller coucher le soir même. — « Vous êtes à cinq lieues du pays de Brest, me dit-il : il est impossible que vous y arriviez ce soir : si vous voulez coucher ici, je vous donnerai place dans ma grange, et demain vous partirez avec le garde-champêtre, qui va conduire un forçat évadé, que nous avons arrêté hier. »

Ces derniers mots renouvelèrent toutes mes terreurs ; car à la manière dont ils étaient prononcés, je vis que le maire n’avait pas pris mon histoire au pied de la lettre. J’acceptai néanmoins son offre obligeante ; mais après avoir soupé, au moment de gagner la grange, portant les mains à mes poches, je m’écriai avec toutes les démonstrations d’un homme désespéré : « Ah, mon Dieu ! j’ai oublié à Morlaix mon porte-feuilles où sont mes papiers, et huit doubles louis !… Il faut que je reparte tout de suite… oui,