Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Décidément, mon voyage d’Amérique était remis aux calendes grecques, et le vieux continent était mon lot ; j’allais être réduit à croupir sur les plus bas degrés d’une civilisation infime, et mon avenir m’inquiétait d’autant plus, que je n’avais aucune ressource pour le présent. Chez mon père, jamais le pain ne m’aurait manqué : aussi regrettais-je le toit paternel ; le four, me disais-je, aurait toujours chauffé pour moi comme pour tous les autres. Après ces regrets, je repassai dans mon esprit toute cette foule de réflexions morales qu’on a cru fortifier en les ramenant à des formes superstitieuses : Une mauvaise action ne porte pas bonheur ; le bien mal acquis ne profite pas. Pour la première fois je reconnaissais, d’après mon expérience, un fond de vérité dans ces sentences prophétiques, qui sont des prédictions perpétuelles plus sûres que les admirables centuries de Michel Nostradamus. J’étais dans une veine de repentir, que ma situation rend très concevable. Je calculais les suites de ma fugue et des circonstances aggravantes, mais ces dispositions ne furent qu’éphémères ; il était écrit que je ne serais pas lancé de sitôt dans une bonne voie. La marine était une carrière qui m’était ou-